vendredi 8 février 2013

Le visiteur d'un soir


Morrigun suivait le garde qui semblait prendre un malin plaisir a faire tours et détours a travers le bâtiment. Il était vêtu à la mode dunlending, mais semblait ne plus avoir de clan ou du moins il n’arborait pas l’animal totem de son clan. Morrigun pensa a un de ces Allgraigs d’Enedwaith ou un bandit de Tharbad qui aurait rejoint les rang d’Isengard. 
A travers les fenestrons ou les meurtrières de la bâtisse Morrigun pouvait entendre le tintamarre ininterrompu des forges et des scieries ainsi que les grognements bestiaux et les claquements de fouet des ourouks. 

La robe glissait le long des jambes de la dunaelle à chaque pas en faisant voler la poussière et les cendres qui s’insinuaient partout. Morrigun ne croisa aucune femme, la place était uniquement peuplée d’hommes et des maudites créatures qui infestaient maintenant l’Isengard. Peut être était elle la seule en ce lieu?

Le hasard du parcours finit par les conduire au dehors dans une immense cour ou toute l’industrie de mort se tenait. Morrigun vit enfin les gigantesques puits et machines de levage qui crissaient et grinçaient en permanence. Les hordes de bras charriaient terre, bois et minerais au claquement des fouets et dans les beuglements des maitres. 
Au milieu de ce fouillis artisanal et chaotique des hommes, des gobelins ou des ourouks s’entrainaient avec ferveur au maniement des armes. Tout semblant d’humanité avait quitté l’isengard, ne restait qu’un creuset de haine et de destruction prêt a déverser sa furie en dehors.

Morrigun regrettait de n’avoir penser a prendre une mantille ou un châle car les premiers frimas automnaux commençaient a se faire sentir en cette heure avancée. Elle se frictionna les épaules en espérant un geste du garde, mais sans doute espérait elle trop du semblant d’homme qui la précédait.

Leur traversée de la cour les mena devant la lourde porte de la tour principale qui paraissait striée des suifs grasses qui s’échappaient des forges alentours. Deux gigantesques bipèdes a l’allure imposante encadraient la porte. Pas un mot ne semblait pouvoir sortir de leurs gorges, ce qu’il avait gagné en taille semblait l’avoir été au détriment d’autres facultés. La monumentale porte s’ouvrit sans un grincement en laissant passer Morrigun et son guide entre les deux imposants cerbères.

La douce chaleur des feux rassura Morrigun et fit disparaitre les premiers tressaillements de ses muscles. Le style, et la décoration des lieux, bien qu’aux antipodes de ses canons, indiquait que vivait ici un homme avec un tant soit peu de savoir vivre et civilisé. Le garde lui demanda de patienter dans un vestibule ou trônaient divers bibelots de grande valeur et anciens. Morrigun n’aimait pas ce genre de “cochonneries” inutiles qui prenaient de la place et prenaient la poussière et le gras. Appliquée a faire l’inventaire des nombreuses babioles environnantes elle ne trouva pas le temps long quand Carannog vint lui tenir compagnie et la fit passer dans une salle ou l’on pouvait diner. 

L’immensité de la salle et sa hauteur écrasèrent Morrigun, elle se sentit si petite et insignifiante qu’elle en resta un court instant immobile et silencieuse. Elle balayait du regard l’intégralité de la salle en espérant voir le fameux visiteur, mais en dehors des deux daen, personne n’arpentait cette salle immense.

“Il va venir. Ne t’inquiètes pas, ma douce”

Carannog prit la main de Morrigun dans la sienne et avant qu’il puisse l’attirer a lui, elle dégagea sa main d’un geste ferme et rapide.
Carannog ne se braqua pas et alla se servir un verre de vin d’une carafe magnifique posée en bout de table. 

“Ou est on, Carannog?”

Morrigun regardait le barde, le voyant faire comme s’il eut été résident depuis des lustres.

“En Isengard, ma mie!”

“Mais ou, en Isengard?”

“Dans une place forte, ça ne se voit pas” Carannog esquissa un sourire narquois.

Morrigun ne renchérit pas et porta son attention sur une magnifique pièce de cristal qui ornait la table. Elle savait pertinemment que Carannog se ferai un plaisir de la faire tourner en bourrique sur le sujet du lieu. Les daen avaient de fâcheuses habitudes de bonimenteur, marchandant et exaspérant leurs interlocuteurs afin d’en obtenir toujours plus. C'était une sorte de jeu dans lequel il prenait énormément de plaisir.
Morrigun souleva avec délicatesse la pièce de cristal et en admira les multiples reflets irisés qui donnait l’impression de vie à la figure. Morrigun n’aurait pu dire qui la figurine représentait, mais elle reconnu un elfe a la silhouette fine et au port altier. Elle représentait un guerrier, sans nul doute, armé de sa lance et d’un bouclier sur le dos.

“Regarde Carannog, comme elle est belle!

Regarde, la lumière qui luit dedans!”

Morrigun regardait la figurine avec les yeux d’une enfant devant l’apparition du père Yule. Elle faisait tourner la pièce dans sa main en regardant les reflets avec attention. Carranog avait fini par s’approcher ne sachant si oui ou non, il pouvait poser sa main sur “sa douce”.
Derrière eux le visiteur ne se manifesta pas immédiatement afin de les observer avant son entrée. Il regardait la mine réjouie et intriguée de Morrigun envers ce petit objet anodin alors que dans la pièce se trouvaient d’autres objets de bien plus grande valeur. Peut être Carranog se sentit appuyé par le visiteur car il entreprit de poser sa main sur la nuque offerte de Morrigun concentrée a faire danser la lumière sur la petite figurine. Morrigun sentit la main de Carannog dans ses cheveux mais ne fit aucun mouvement absorbé par la contemplation de l’objet.

“Dame Morrigun, Mon b...”

Morrigun tressauta et lâcha la petite figurine qui chuta sur le sol marbré de la pièce.

L’homme de sciences aurait sans doute pu décrire avec une infinité de détails et de calculs les mouvements de la petite pièce dans les airs. Sans doute aurait il émit quantité de théories sur cette chute et sur le bris ou non de la pièce d’art elfique. 
Pour Carannog la chute fut une éternité tant son appréhension fut grande quand à la réaction du visiteur et maitre des lieux. 
Pour le visiteur la chute dura sans doute moins longtemps que dans la réalité. Peut être même, eut il accéléré le temps pour voir la figurine de Gil-Galad se briser au sol.
Seule Morrigun gardait la notion du temps tel qu’il s'écoula. Tout juste eut elle le temps de tourner la tête vers l’homme qui venait de briser sa fascination pour le petit objet.

“..on Carranog!”

La figurine, par les lois universelles de la gravité, éclata sur le sol en une infinité de petits éclats qui s’éparpillèrent au sol avant de disparaitre.

Morrigun posa alors son regard sur le visage du vieil homme et suspendue a ses lèvres attendit la sentence.




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