jeudi 14 février 2013

Une tête bien faite



Les larmes roulaient sur les joues de Morrigun comme des perles de pluie se perdant dans le fond du coffre. Elle ne savait si l’enfant battait des pieds ou des mains ou poussait de tout son être mais il était là et ressentait la peine profonde de sa mère; ou était ce autre chose? 
Chaque coup renforçait son sourire accroché sur ses lèvres.
Chaque larme tombait sur les têtes blondes des forgoils assassinés par ses frères, chaque larme diluant le sang collé au visage lavait l'indicible horreur de cette boucherie sans nom. 
Morrigun fixa un a un les visages de ses frères, mais étaient ils encore ses frères? 
Etre une dunlending était ce cela, fermer les yeux sur ces massacres?

“Comment?...”

Morrigun n’avait plus de mot et la voix envoutante du vieil homme avait cessé d’emprisonner ses pensées. Morrigun prit les cheveux d’une enfant et souleva la petite tête du coffre ou des dizaines d’autres avaient été déposée. 
Quel cadeau? 
Elle présenta le trophée a chacun de ses frères, nombre d’entre eux avaient des enfants; Morrigun pouvait se rappeler de chaque prénom et de chaque visage. 
Les petits Daen étaient ils si différent des petits forgoils? 
Morrigun avait encore du mal a chasser ce mot de son vocabulaire mais depuis sa rencontre avec son époux elle avait fait beaucoup de chemin pour ne plus céder a la haine qu’on avait instauré entre les deux peuples. Pas un seul de ses frères ne soutint le regard de Morrigun, sans doute avaient ils en tête les peines de leur soeur à enfanter.

Morrigun se retourna vers le Maitre des lieux, le flot de larme se tarissait. Elle présenta a bout de bras le visage de l’enfant devant le vieil homme. Le hen dun fronça les sourcils sur de la réponse de Morrigun.

“Dame Morrigun, je ne peux...”

“J’accepte ce cadeau, vieux fou. J’accepte ce cadeau pour qu’a chaque instant de ma vie, quand le doute m’envahira, je me rappelle ce que vous valez!”

Morrigun glissa la tête de la jeune enfant dans la main du vieil homme qui machinalement la prit.

“Carranog, reconduit moi dans ma chambre. Je n’ai plus rien a faire avec mon geôlier.”

Morrigun se dirigea vers la petite porte par laquelle elle était entrée.

“Dame Morrigun, n’imaginez pas m’avoir feinté! Vous êtes mon appât pour votre mari. Votre enfant en est un autre. Et que vous soyez morte ou non, votre époux finira par se rendre ici.
Vous avez déjà perdu cette bataille, vous le savez?
Epargnez vous des souffrances inutiles et laissez vous aller, Carranog ne sera pas un mauvais parti et votre enfant aura un bon tuteur en ma personne.”

La voix envoutante du vieil homme avait butté contre un mur dans l’esprit de Morrigun. Peut être était ce MamDaear qui se glissait entre elle et la perfidie du vieil homme?
Le vieux fou esquissa un mouvement de sa main vers le ventre de Morrigun, mais l’enfant bougea a nouveau, Morrigun accrocha du regard la main du vieux pervers sénile et d’un geste violent l’écarta de son passage.

“Allez toucher le ventre de vos orques et de vos abominations, vieux fou!
Faites moi déposer VOTRE CADEAU devant ma porte et ne me faites plus venir à vous sauf pour me tuer, votre présence me dégoute!”

Le vieil homme crispa la main sur son bâton en regardant Morrigun se diriger vers la porte.

“Carranog accompagnez votre future épouse dans ses appartements; la laisser seule errer ici serai de l’inconscience et je serai au désespoir de la savoir morte lors d’un malencontreux incident.”

Carranog salua son nouveau maitre et se glissa devant Morrigun pour la raccompagner.

“Morrigun, il va te tuer si tu continues. Cet homme est très puissant, ce n’est pas le derudh ou le brenin...”

“Le Derudh et le Brenin ne verse pas dans l’horreur. Ton ami, n’est qu’un suppôt de... De... De...”

“Ma douce, calme toi. Tu es a bout de nerf. Veux tu que je passe la nuit a tes cotés?”

Morrigun stoppa net sa marche et regarda son ami Carranog.

“Tu veux dormir comme un chien sur le palier de ma porte ou au pieds du lit? Tu penses m’amadouer en jouant les protecteurs? Je n’ai cure de ta protection et des menaces de ton maitre, veilles juste a ce que le cadeau soit devant ma porte demain.”

“Mais ma douce, que vas tu faire de ces horreurs?”

“Me souvenir d’eux... 
Reconduis moi à ma chambre.”

“Mais pourquoi, tu n’es pas responsable? Ce ne sont que des forgoils, n’est ce pas nos ennemis?”

“C’est peut être les tiens, mais plus les miens... Moi, mon ennemi est ici et celui qui me reconduit a ma chambre est l’un d’eux. Tu étais un ami Carranog, mais maintenant tu n’es plus qu’un gardien, un geôlier...”

Carranog frappa un grand coup de son poing dans le mur.
“Ce maudit dunedain! Il me sort par les yeux: que t’a t’il mis en tête?”

“Rien! Maerendor est mon époux, et il ne me met rien en tête! Et dis toi bien que si toi et ton vieux pervers sénile me gardez ici encore longtemps, alors il te fera sortir les yeux de la tête!”

“Des mots, des mots, il ne viendra pas pour toi, petite dunes du clan du sanglier.”

Morrigun le coupa sèchement.

“S’il ne vient pas pour moi, alors il viendra pour son enfant! SON enfant! Et quand bien même il viendrai a mourir, JAMAIS notre enfant ne sera le tien ni celui du vieux fou.”

“Des mots, des mots...”

“Mais tu peux encore sauver ta peau, Carranog. C’est a toi de décider. Et qui sait...”

Morrigun referma la porte de sa chambre au nez de Carranog et se plongea dans son lit après avoir grandement admiré son ventre rebondi qui semblait si calme maintenant.
Le lendemain elle entendit des bruits dans le couloir alors qu’on déposait le coffre a proximité de sa porte.

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